Origine et histoire du Baptistère Saint-Jean
Le baptistère Saint-Jean à Poitiers est un très ancien monument chrétien dont l’origine se situe dans la seconde moitié du IVe - début du Ve siècle. Fortement remanié au fil des siècles, il illustre la dépendance de l’architecture mérovingienne aux assises antiques ainsi que l’abandon de certains principes classiques. Menacé de démolition en 1834, il a été acquis par l’État et a fait l’objet de nombreuses fouilles dont les synthèses ont suscité des débats ; il abrite aujourd’hui un espace muséal regroupant les collections mérovingiennes de la Société des Antiquaires de l’Ouest. Depuis 1750, l’interprétation de ses origines a opposé partisans d’un édifice chrétien et partisans d’un temple païen, débat qui reflète l’évolution des méthodes archéologiques. 
Situé dans un quartier occupé depuis le Ier siècle, le baptistère s’inscrit, dans les transformations urbaines du IVe siècle, au sein d’un groupe cathédral implanté à la limite de l’enceinte antique ; le bâtiment conservé a été élevé sur l’emplacement d’une salle baptismale aménagée dans une domus, à l’est de la cathédrale primitive. Au cours des VIe et VIIe siècles son plan a été profondément modifié : d’une grande salle rectangulaire avec une annexe il est passé à un ensemble réparti en deux salles puis doté d’absidioles et d’absides semi-circulaires, avec des rehausses, des changements d’ouvertures et des aménagements décoratifs. Relié à la cathédrale par des salles d’avant-corps, il comportait une piscine surmontée d’un ciborium et un système hydraulique conservant des canalisations en plomb et en terre cuite. 
La première moitié du VIIe siècle voit la surélévation des murs, la destruction de trois annexes, l’installation d’oculi et la décoration du mur médian par trois arcs en plein cintre ; frontons et décors sculptés d’inspiration classique complètent alors l’ensemble. Après un incendie qui endommagea la cathédrale primitive, la salle occidentale fut reconstruite à pans coupés et la partie ouest réaménagée à l’époque romane. À l’époque carolingienne, quand les baptêmes se pratiquent différemment, le baptistère est converti en église et la première marche de la piscine est comblée. L’édifice apparaît dans les sources en 1096, est de nouveau mentionné lors d’une demande de réparation en 1450, et reçoit des décors peints aux XIe-XIIIe siècles. Devenu paroisse à l’époque moderne, il conserve des registres de mariages et d’inhumations à partir de 1638. 
Désaffecté en 1791 et mis en vente comme bien national, il est retiré de la vente en 1796 et devient propriété de l’État ; après des usages provisoires, dont un atelier de fondeur, il est rendu au diocèse en 1822 puis, menacé par un projet de voie urbaine, acquis par l’État en 1834 et confié en gestion à la Société des Antiquaires de l’Ouest en 1836. Les interventions archéologiques et restaurations se succèdent du début du XIXe siècle à l’époque contemporaine : découverte d’une piscine octogonale en 1803, travaux et relevés à partir de 1835, campagnes de Joly-Leterme, Formigé, Camille de La Croix, François Eygun et études récentes menées entre 1995 et 2011. Ces recherches ont permis d’identifier une succession d’états et d’alimenter des interprétations diverses sur la chronologie et la fonction originelle du monument. 
Les études récentes décrivent un édifice bâti sur une maison gallo-romaine pourvue d’un système de chauffage, avec une salle de 17 m sur 7 m, un petit chevet rectangulaire à l’est et des fondations d’une première piscine légèrement décalées par rapport à la cuve actuelle. Placé à l’est de la cathédrale primitive, le baptistère s’inscrit dans le fonctionnement des groupes cathédraux paléochrétiens où le parcours des catéchumènes conduit de salles d’accueil à la piscine puis à l’accès à l’Eucharistie dans la cathédrale. 
Sur le plan architectural, l’édifice — aujourd’hui réduit à une salle rectangulaire dotée de trois absides — est une référence pour l’étude de l’architecture mérovingienne : polychromie, emploi décoratif d’éléments de réemploi antiques, libre jeu des formes et richesse des parois caractérisent son esthétique. Les maçonneries de petit appareil, les tympans, rosettes et frises en marqueterie, les chapiteaux de marbre réemployés et des chapiteaux en calcaire exécutés pour le chantier participent à une vibration formelle et chromatique proche de certains monuments provinciaux romains ; à l’extérieur, frontons, tympans et pilastres portent des décors végétaux et géométriques et des modillons sculptés. 
Les peintures romanes du XIe siècle forment un programme iconographique dense : sur le mur est, un Christ en majesté dans une mandorle, des apôtres, inscriptions latines et motifs symboliques se conjuguent avec des scènes et des motifs plus tardifs superposés, tandis que d’autres murs présentent paons, saints identifiables et scènes dont certaines portent des inscriptions remarquables. Les fresques gothiques, qui recouvraient largement les murs, développent notamment dans l’abside polygonale la vie de saint Jean-Baptiste et d’autres figures sacrées, tandis que des traces de décors des siècles suivants subsistent encore. 
Le musée lapidaire installé dans le baptistère depuis 1838 réunit une centaine d’objets, principalement des sarcophages mérovingiens en pierre locale souvent décorés d’une croix à trois traverses propre à l’« école du Poitou », ainsi que des moulages, des éléments décoratifs et un autel en marbre blanc. Classé parmi les Monuments historiques, le baptistère Saint-Jean reste un lieu clé pour la compréhension de l’histoire religieuse, artistique et archéologique de Poitiers.