Origine et histoire de la Tour brune
Le diocèse d'Embrun a été fondé en 365 par Marcellin ; en 794 son siège fut élevé en archevêché, supprimé en 1801. Du palais épiscopal fortifié médiéval ne subsiste que la tour Brune, intégrée à l'aile nord. À la fin du XVe ou au début du XVIe siècle, les archevêques firent édifier un bâtiment aujourd'hui incorporé à l'aile centrale ; l'aile sud date du XVIe siècle. Aux XVIIe ou XVIIIe siècles l'aile centrale fut doublée et l'aile sud transformée en résidence, formant avec les trois ailes deux cours, l'ancienne cour d'honneur à l'ouest et la cour des communs à l'est. À la moitié du XIXe siècle, l'armée qui occupait les lieux entreprit une restauration radicale, poursuivie au XXe siècle. La tour Brune, située à Embrun (Hautes‑Alpes), est un ancien donjon des archevêques et l'un des derniers vestiges de l'ensemble épiscopal construit à partir du XIIIe siècle, contre la partie la plus ancienne du palais et à proximité immédiate de la cathédrale Notre‑Dame. De plan carré et couronnée de merlons et de mâchicoulis, elle impose sa silhouette dans le paysage embrunais et symbolisait le pouvoir temporel des archevêques, princes d'Empire, assurant la protection du quartier canonial. Son nom serait issu de l'ancienne appellation « tour d'Ambrune ». Au fil des siècles, la tour a servi d'habitation, de dépôt, parfois de prison, et a également accueilli le trésor et l'arsenal ; après la Révolution, lorsque le palais fut utilisé comme caserne, elle fit office de réservoir d'eau. Le volume intérieur, qui ne comportait à l'origine que deux niveaux intermédiaires, a été modifié sans doute aux XVIIe ou XVIIIe siècles par la construction de cinq voûtes d'arêtes superposées, ce qui augmenta la surface utile tout en occultant partiellement les ouvertures et en limitant la circulation verticale. La tour mesure 27 mètres de hauteur totale ; ses murs ont une épaisseur de 1,80 mètre. Elle présente des fenêtres en arbalétrières et une ouverture plus importante sur la façade occidentale. Anciennement coiffée d'une charpente en bois à quatre pans de forme pyramidale, sa partie supérieure a été transformée en 1927 par la réalisation d'une toiture‑terrasse surmontée d'un couronnement crénelé imitant celui du Palais des Papes d'Avignon. Elle a aussi joué le rôle de tour de guet, à l'instar des tours de Réallon et de Saint‑Clément‑sur‑Durance, et a servi de prison, comme le montrent des dessins de détenus napoléoniens. La commune d'Embrun est devenue propriétaire de la tour en 1934. En 1990, le parc national des Écrins confia à la société Prospective & Patrimoine une étude muséologique et muséographique en vue d'installer une exposition permanente dans la tour, destinée à sensibiliser le public à l'environnement et à présenter le parc. Le musée du paysage, conçu par Pascale Mottura sous la direction de l'architecte Bruno Donzet, a été inauguré le 11 juillet 1996 ; il propose un traitement thématique des différents niveaux de la tour pour offrir des clés de lecture des paysages du territoire du parc. Le concept de « tour du paysage », développé notamment par Cécile Martin, associe recherches iconographiques et contributions de partenaires scientifiques ; l'exposition décline la notion de paysage étage par étage — la roche et le temps au niveau 0, l'eau et la lumière au niveau 1, la mémoire de l'espace au niveau 2, les hommes et les territoires au niveau 3, et les pays et paysages à la terrasse. La Commission supérieure des monuments historiques a autorisé la démolition des voûtes des parties hautes, sur proposition de l'architecte en chef Alain Tillier, afin de rétablir un plancher unique à l'emplacement d'origine et de rendre accessible la terrasse par un plancher au niveau du chemin de ronde. Cette intervention, visant à faciliter l'accueil du public, a suscité des débats au sein de la Commission en raison d'enjeux de doctrine et de techniques de conservation‑restauration, même pour des éléments postérieurs. La tour Brune est classée au titre des monuments historiques par arrêté du 5 mars 1927 ; l'ancien archevêché, en totalité et avec le sol de ses cours, est inscrit par arrêté du 20 septembre 2005. Donjon roman de première importance dans les Alpes, la tour Brune constitue un élément majeur du patrimoine fortifié local.